mardi 28 février 2012

Un Algérien au pays des gorilles de montagne

La semaine dernière, je suis rentré d'un voyage en République Démocratique du Congo.
J'ai profité d'un déplacement à Kinshasa pour faire une virée vers l'Est du pays, du côté du Parc National des Virunga et aller voir les derniers gorilles de montagne.
Les Virungas sont une chaine de montagnes volcaniques qui chevauchent les frontières communes au Congo (RDC), au Rwanda et à l'Ouganda.
Certains des volcans sont toujours en activité.
Les gorilles de montagnes appartiennent à une espèce qui figure parmi celles qui sont les plus menacées au monde. Le parc national des Virungas est le refuge d'environ 200 gorilles des montagnes, sur les quelque 790 qui restent sur la Terre.
Ce voyage a été pour moi l'accomplissement d'un vieux rêve de trente ans.
En effet, cela fait trente ans que, suite à une rencontre fortuite avec Diane Fossey, j'avais émit le vœux d'aller voir, un jour, de près ces fabuleux animaux (j'hésite toujours à utiliser le terme "animaux"). Diane Fossey a vécu plus de quinze ans en compagnie des gorilles de montagne. C'est elle qui les a le mieux étudié et le mieux défendus. Elle en a payé le prix fort puisqu'elle a été assassinée sur le lieu même qui lui servait de camp d'observation, dans les montagnes du Rwanda. Elle dérangeait tellement d'intérêts à l'époque...
Depuis, la situation des gorilles n'a pas cessé de se détériorer car, en plus du braconnage endémique, la région connait depuis plusieurs années une grave période d'instabilité avec les conflits ethniques dont le fameux génocide au Rwanda et la guerre menée par Laurent Désiré Kabila pour chasser Mobutu du pouvoir dans l'ex-Zaire.
Les populations locales, fatiguées par la guerre, affamées, vont chercher les ressources nécessaires à leur survie dans les montagnes environnantes et, petit à petit, grignotent sur les territoires des gorilles. Ces derniers sont également et surtout victimes d'abattages à l'aide de fusils mitrailleurs par les milices recrutées par les seigneurs de guerre locaux.
Cette situation qui perdure encore aujourd'hui fait que, dans la pratique, il est très difficile de mener des politiques efficaces de préservation de la faune sauvage menacée d'extinction.
Une campagne à l'échelle mondiale a été engagée par plusieurs ONG, comme le World Wild Life Fund (WWF) et ce, pour sensibiliser le plus grand nombre sur la nécessité de faire quelque chose pour préserver et sauver ce qui reste de cette merveilleuse espèce, patrimoine de l'humanité, avec laquelle nous partageons plus de 98% de nos gênes. Les résultats de cette campagne commencent à peine à porter leurs premiers fruits.
Ceux qui effectuent la visite payent un tarif dont la plus grande partie est reversée à des projets qui profitent aux populations locales. Ainsi, aujourd'hui, un grand nombre d'habitants de la périphérie du Parc voient leur quotidien s'améliorer petit à petit grâce à la manne que représentent les droits d'entrée au Parc. Des écoles , des habitations et des locaux abritant différentes activités sont construites ce qui fait que les populations voient concrètement le bénéfice qu'elle peuvent retirer de la présence des gorilles.
Par ailleurs, les Rangers, ces gardes qui surveillent le Parc, ont un salaire décent et, surtout, régulièrement distribué, qui leur permet de vivre correctement de leur travail, ce qui n'est pas toujours le cas dans le reste du pays où très souvent, les salaires sont versés épisodiquement et au compte goutte.
Pour revenir à mon voyage, tout a commencé à mon atterrissage à Goma, ville située à la frontière Est du Congo, tout près de la frontière Rwandaise.
Un véhicule nous attendait, ma femme et moi, pour nous mener vers la sous-direction de l'Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) avec qui j'avais pris contact par le biais d'une agence de voyage.
Après près de trois heures de route sur une piste qui longeait les fameux volcans (dont le célèbre Nyiragongo qui a détruit la ville de Goma en 2002) de la chaine des Virunga, nous sommes arrivés sur un lieu paradisiaque, au milieu d'une luxuriante forêt tropicale peuplée d'innombrables animaux, dont des singes qui nous narguaient du haut des arbres.
Il faut dire que le Parc National des Virunga abrite plusieurs espèces remarquables, dont des gorilles des plaines, des chimpanzés, des okapis, des éléphants de forêt et des buffles d'Afrique.
Le soir même, nous eûmes droit au spectacle saisissant d'un volcan en activité, le Nyamulagira, entré en éruption au mois de Novembre dernier et qui projette ses émissions de lave à plus de trois cent mètre de haut.
Le lendemain, nous avons prit le départ pour ce qui allait être le plus beau périple que j'ai jamais effectué.
Juchés sur un camion 4x4, nous avons pris une piste chaotique qui nous a menés, deux heures plus tard au camp de base situé au pied du Mont Mikeno, à 2200 mètres d'altitude.
A partir de là, après l'écoute des consignes de sécurité que nous a données le chef des Rangers (gardes du Parc), nous avons commencé la longue et épuisante marche vers le site où se trouvait un groupe de gorilles repérés le matin même par les pisteurs.
Deux heures de marche, en montée le plus souvent, en traversant une forêt dense nous ont fait découvrir les traces d'éléphants qui passaient peu de temps avant nous, enjamber des colonies de fourmis rouges très agressives et, surtout, fait écouter les innombrables bruits des oiseaux, insectes et singes qui peuplent cette région.
Je dois dire que les derniers mètres furent particulièrement éprouvants pour moi. L'altitude et la montée m'ont rendu l'effort pénible (nous étions arrivés à environ 2600 mètres).
Mais, quand on nous annonça la présence des gorilles un peu plus loin, j'en ai rapidement oublié la fatigue et le manque d'oxygène et c'est presque en volant que j'ai effectué les derniers mètres...
Ils étaient là !!!
Merveilleuses créatures, toutes de chair et d'os, évoluant là devant nous, insouciantes à notre présence, vacant à leur occupation favorite: manger.
Quel spectacle !
Nous étions, le plus souvent, à moins de deux mètres de certains individus, des mâles à dos argenté pouvant peser jusqu'à 280 kgs, qui, instinctivement, se mettent toujours en avant pour protéger les femelles beaucoup plus timides et farouches.
Leur regard intimidant qui vous fixe avec intensité avait quelque chose d'humain. Mais, nulle agressivité chez eux sauf, nous a-t-on dit, quand leur famille semble être menacée ou bien quand on soutient leur regard de manière provocante.
Ces animaux rarissimes devant être protégés coûte que coûte, l'ICCN a mis en place une petite armée d'environ 600 Rangers armés qui sillonnent le Parc National des Virunga dont cinq nous ont accompagnés durant ce déplacement.
Parmi les mesures de sécurité, il y a le port obligatoire de masques destinés à éviter que nous contaminions les gorilles avec nos germes. En effet, les gorilles sont particulièrement sensibles aux infections humaines et au germes que nous pouvons leur transmettre même si nous n'en sommes pas malades.
Nous eûmes droit à un attendrissant spectacle d'un vieux mâle à dos argenté (certainement le patriarche du groupe visité) qui s'amusait avec un jeune âgé à peine de trois ans.
Et c'est là que l'on se rend compte combien nous sommes proches !
Par moments, j'avais l'impression qu'ils rigolaient! Voyez par vous-même...




La jeune gorille (parce que c
'était en fait une petite femelle) nous narguait de temps à autre et, à un moment, comme je m'approchais pour mieux la filmer, elle a tenté de me subtiliser l'appareil. Elle semblait pleine d'insouciance et d'innocence, ne se rendant pas du tout compte des grands dangers qui menacent son existence et celle de son espèce...
Après une heure d'intenses observations et de contact avec ces magnifiques créatures nous devions, hélas, nous résoudre à partir. Mais nous avions emmagasiné tellement d'images...
Deux autres heures plus tard, nous étions de retour, harassés, fatigués par cette longue marche mais ô combien heureux.
Nous venions de vivre un moment unique qui restera, à jamais, gravé dans nos mémoires.